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En Côte d’Ivoire, Florence Loan-Messan, première femme à devenir bâtonnier

Pour la première fois depuis sa création, en 1959, l’Ordre national des avocats de Côte d’Ivoire s’est donné pour bâtonnier une femme, Me Florence Loan-Messan. Avocate spécialisée en droit bancaire, elle avait été élue en juillet 2023 à la tête du barreau national, au terme d’un scrutin très disputé entre les quatre candidats. Son année de « dauphinat », c’est-à-dire de formation auprès de son prédécesseur, Me Claude Mentenon, vient de toucher à sa fin.
Au cours d’une cérémonie de passation de charges, mercredi 2 octobre, à la Maison de l’avocat d’Abidjan, Me Loan-Messan est donc officiellement devenue le nouveau bâtonnier. Au masculin, celle-ci ayant jugé prématuré d’adopter en Côte d’Ivoire le terme de « bâtonnière », comme vient de le faire le Conseil national des barreaux de France.
Florence Loan, qui ajoutera plus tard à son nom de jeune fille celui de son époux, est née à Abidjan le 17 octobre 1971, d’un père inspecteur des postes et télécommunications et d’une mère assistante sociale de formation et sociologue. C’est cette dernière, ancienne directrice nationale des cantines scolaires, qui lui a « appris à faire attention aux plus vulnérables », raconte-t-elle au Monde Afrique le jour de son investiture, assise au bureau de son cabinet.
Florence Loan-Messan effectue son cursus scolaire à Abidjan, jusqu’à une maîtrise en carrière judiciaire à l’université Félix-Houphouët-Boigny, qu’elle complète en France par un master de juriste d’entreprise à l’université de Toulouse Capitole. Elle prête serment en 1996 et exerce depuis vingt-huit ans comme avocate. Elle travaille également depuis 2005 pour l’ordre des avocats, où elle a endossé successivement les fonctions de trésorière, secrétaire adjointe, secrétaire principale et membre du Conseil.
« C’est un honneur, c’est une responsabilité, c’est un signal également pour toutes les femmes », indique la nouvelle cheffe du barreau, qui dit « mesurer le poids de sa fonction ». Le bâtonnier a une double fonction administrative, puisqu’il gère la carrière de l’ensemble des avocats ivoiriens, et disciplinaire, en veillant au strict respect de la déontologie.
« En tant que femme, je n’ai pas le droit à l’erreur, reconnaît-elle. Certains ont tendance à vite généraliser : quand une femme échoue, ce sont toutes les femmes qui ont échoué. Mais quand une femme réussit, ça rejaillit sur l’ensemble des femmes. Je veux que cette porte qui s’ouvre ne se referme pas et que, demain, il ne soit plus singulier de voir une femme bâtonnier en Côte d’Ivoire », souligne-t-elle.
Si le droit reste majoritairement un domaine masculin en Côte d’Ivoire, Me Loan-Messan se réjouit d’y voir depuis quelques années une part grandissante de femmes. Sur les 549 membres que compte l’ordre national, plus d’un tiers sont des avocates. Celles-ci sont également bien représentées au sein de la magistrature. Le procureur général, le président du tribunal de première instance, le président du tribunal de commerce et le procureur du pôle pénal économique sont tous des femmes.
Le prédécesseur de Me Loan-Messan, Me Claude Mentenon, est parvenu à imposer la parité au conseil sortant, qui comportait neuf femmes et neuf hommes. Une pratique que Me Loan-Messan entend reprendre et généraliser lors de son mandat, jusqu’à en faire « un usage de notre barreau ».
La première priorité de son mandat de trois ans sera de « faciliter l’accès des Ivoiriens à la justice », ambitionne-t-elle, en commençant par renforcer l’assistance judiciaire, destinée à aider les personnes n’ayant pas les moyens de s’acquitter de leurs frais de justice, mais aussi en étendant son budget et son champ d’action.
Me Loan-Messan souhaite également « rapprocher les avocats des justiciables », en renforçant leur présence sur le territoire puisque l’immense majorité des avocats exercent à Abidjan, avec quelques exceptions à Bouaké, San Pedro et Daloa. Des missions de formation juridique devraient aussi être menées dans les écoles, avec un accent particulier mis sur le cyberharcèlement et le harcèlement scolaire, ainsi que les violences sexistes et sexuelles.
« Nous devons soutenir les femmes victimes de violence et mettre tous les outils judiciaires à leur disposition, poursuit le bâtonnier. Trop de femmes ont intériorisé ces violences jusqu’à trouver normal d’être battues. On doit leur faire prendre conscience que leur corps n’est pas un tambour, qu’elles peuvent et qu’elles doivent se défendre devant la justice. »
Autre chantier de Me Loan-Messan : repositionner les avocats, « qui sont des acteurs essentiels dans un Etat démocratique », au centre du débat public. Il faut « repenser notre profession », martèle-t-elle, d’abord en adaptant les formations aux nouvelles juridictions, mais aussi en consolidant la position des « avocats comme des vigies du droit » en Côte d’Ivoire. « Nous souhaitons que les uns et les autres sachent qu’il faudra compter avec nous », conclut-elle, alors que son pays entre dans une année électorale décisive, avec l’élection présidentielle prévue en octobre 2025.
Marine Jeannin (Abidjan, correspondance)
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